Les chiffres de la gouvernance en Afrique en 2018 de lâindex Mo Ibrahim montrent la difficultĂ© pour la sociĂ©tĂ© civile Ă bĂ©nĂ©ficier de la croissance Ă©conomique du continent.
La Fondation Mo Ibrahim sort en ce mois de novembre son index de mesure du dĂ©veloppement sur le continent entre 2008 et 2017. MĂȘme si la croissance africaine a explosĂ© sur cette pĂ©riode, le dĂ©veloppement durable et profitable aux populations, lui, reste trĂšs largement en dessous des prĂ©visions. Depuis dix ans la fondation du milliardaire anglo-soudanais - qui a fait fortune dans les Telecom avec lâopĂ©rateur Celtel - exploite une centaine dâindicateurs provenant de trente cinq sources de donnĂ©es indĂ©pendantes pour faire ressortir les rĂ©alitĂ©s de la vie quotidienne des Africains. Nous avons demandĂ© Ă Aicha Bah Diallo, ancienne ministre de lâĂ©ducation en GuinĂ©e et membre du jury du prix Mo Ibrahim, de commenter les rĂ©sultats du rapport.

Alors que le PIB du continent africain a augmentĂ© de 39,7% de 2008 Ă 2017, le taux de DĂ©veloppement Ă©conomique durable nâa lui augmentĂ© que de 0,2 % .
Source : Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique 2018 - Fondation Mo Ibrahim.
Lâindex affiche le progrĂšs dâune quinzaine de pays en terme de respect des droits de lâhomme, de dĂ©veloppement Ă©conomique durable, et de dĂ©veloppement humain. Comme la CĂŽte dâIvoire qui enregistre la plus grosse progression du continent (+12 points) ou le Maroc (+10 points) sur dix ans. En bout de course, la Libye (- 15,5 points) et le Mali (- 5 points) et une dizaine dâautres pays semblent dĂ©crocher. Peut-on parler dâune Afrique Ă deux vitesses ?
Oui, et on souhaite quâavec ce rapport le groupe le premier serve de locomotive et que celui qui ne suit pas se secoue ! Lorsque les gouvernements vont lire cet index, tout comme les personnes de la sociĂ©tĂ© civile, ils vont lire lâindex et jâespĂšre que ces recherches prĂ©cises et incontestables vont jouer comme un Ă©lectrochoc pour les gouvernants. Que devant lâidentification des lacunes ou des problĂšmes catĂ©gorie par catĂ©gorie, les gouvernements vont utiliser lâindex comme un outil de travail pour leurs politiques.
Avez vous Ă©tĂ© surprise par lâune des entrĂ©es de ce rapport ?
Oui, jâai Ă©tĂ© surprise par la baisse du secteur de lâĂ©ducation... Bien sur je pense voir lĂ le rĂ©sultat de la baisse de la formation des enseignants. Leurs salaires ont aussi baissĂ© et il y a eu beaucoup de grĂšves, ce qui forcement fait baisser le niveau.

MĂȘme si le score du continent en matiĂšre dâĂ©ducation a progressĂ© sur la dĂ©cennie il a dĂ©clinĂ© durant les cinq derniĂšres annĂ©es dans 27 des 54 pays du continent, soit pour 52.8% de la jeunesse africaine.
Source : Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique 2018 - Fondation Mo Ibrahim.
Comment expliquer la difficultĂ© des Etats Ă la formation des jeunes alors que globalement le niveau dâĂ©tude des nouvelles gĂ©nĂ©rations africaines progressait depuis plusieurs dĂ©cennies ?
De 1990 Ă 2005, les institutions ont poussĂ© les pays africains Ă mettre lâaccent sur lâĂ©ducation primaire. Mais ce nâest quâen 2005 quâon a compris lâimportance du systĂšme secondaire. Câest Ă partir de lĂ quâon a commencĂ© Ă voir les besoins de maniĂšre globale. Les universitĂ©s en Afrique forment plutĂŽt des chĂŽmeurs. Les anciennes gĂ©nĂ©rations ne valorisaient pas les formations techniques et professionnelles. Or nous en avons besoin plus que jamais aujourdâhui. Le secteur privĂ© peut contribuer Ă financer le secteur de lâĂ©ducation, il faut miser sur les entreprises qui forment directement pour rĂ©pondre Ă leurs demandes. On pourrait augmenter cette formation, en formant directement les jeunes aux besoins des entreprises. Ce quâil faut câest une harmonisation entre formation entre besoins !
Le rapport montre que la part dâAfricains en Ăąge de travailler va progresser de prĂšs de 30% pour la prochaine dĂ©cennie, mais que le score moyen de la catĂ©gorie « Environnement des entreprises » a lui perdu presque 5 % depuis 2008. Quels sont les risques dâun tel dĂ©calage entre le nombre de personnes sur le marchĂ© du travail et le taux de chĂŽmages parfois explosifs dans certains pays ?
Câest une bombe a retardement ! Un jour nous savons que les jeunes, plus de 750 millions de citoyens vont venir taper Ă la porte pour avoir des emploisâŠ
Les rĂ©sultats donnĂ©s par lâindex vous laissent-ils toujours optimiste ?
La participation et les droits humains permettent de dire que lâon progresse. Mais comme on a pu le voir pour certains pays oĂč la situation sâest lourdement dĂ©gradĂ©e il faut continuer dâattirer lâattention de tous sur la sĂ©curitĂ© et lâEtat de droit pour permettre une rĂ©elle avancĂ©e en terme de gouvernance et donc de dĂ©veloppement Ă©conomique durable et de dĂ©veloppement humain.
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